La mégaprison de Bruxelles-Haren à 1 milliard d’euros ? Haren Observatory attend les preuves et pose des questions

Communiqué à la presse 14/11/2018

Dans un long entretien paru ce jour dans le journal Le Soir de ce jour, Laurent Vrijdaghs, « Reynders boy » et directeur de la Régie des bâtiments, essaye de justifier le projet de mégaprison qui hante la Région Bruxelloise.


Bien loin d’y parvenir, le directeur de l’institution qualifiée de « corrompue de la base au sommet » [1] par le procureur du roi lors du procès de dizaine de ses fonctionnaires en 2015, expose les innombrables failles de ce projet et soulève plusieurs nouveaux problèmes. Nous revenons ici sur un petit nombre d’entre-eux.

Ainsi commence-t-il par souligner que ce projet de mégaprison constitue un « choix d’opportunité » du fédéral. Mais il fait entièrement défaut d’expliquer en quoi ce projet constitue effectivement une opportunité, alors qu’il est critiqué de toutes parts depuis sa gestation, il y a plus de 10 ans.

Il rappelle ensuite que ce projet a été présenté – et non pensé – pour remplacer les prisons actuelles de Bruxelles, lesquelles selon-lui « tombent littéralement en ruine ». Sans doute a-t-il dû oublier que la Régie des bâtiments qu’il dirige a injecté plusieurs millions d’euros en rénovations de ces prisons, notamment celle de Saint-Gilles jusqu’en 2013, et qu’il est absolument faux de dire que la prison de Saint-Gilles tombe en ruine, pas plus que celle de Berkendael. Quant à la prison de Forest, son aile la plus vétuste a été fermée, grâce notamment à la mobilisation des citoyens qui ont permis de repousser l’ouverture de la mégaprison. En outre, quand bien même ces prisons tomberaient en ruine, ce qui n’est pas le cas, cela ne justifierait en rien de détruire les 20 hectares naturels du Keelbeek pour construire une mégaprison semi-privée.

La voie de la raison consiste à changer de politique carcérale pour réduire le nombre de détenus, comme le gouvernement MR-NVA s’est engagé à le faire, sans le faire.
Et à rénover ce qui peut l’être et de démolir/reconstruire ce qui ne peut pas être rénové. Cela est bien évidemment possible puisque le même directeur de la Régie des bâtiments envisage de transformer les prisons en logements de luxe, alors que les façades sont classées !

M. Vrijdaghs souligne plus loin que «  la taille normale pour exercer un contrôle idéal, c’est un maximum de 312 détenus  ». Chacun est donc en droit de se demander ce qui a pu inciter les décideurs à passer à un mastodonte de 1.190 places. Quelle est exactement la nature du « choix d’opportunité » dont il est question, qui impose une taille anormale et par définition une perte de contrôle ?

Pour justifier le recours au PPP, M. Vrijdaghs estime que l’Etat n’est plus en mesure de répondre à ses besoins. Le recours aux PPP est pourtant connu pour être de 1,5 à 3 fois plus cher in fine pour le budget de l’Etat. La France et l’Angleterre ont choisi de renoncer aux PPP carcéraux, comme le souligne le quotidien. La Cour des comptes européenne a elle aussi récemment tiré la sonnette d’alarme sur ces PPP, soulignant « que les partenariats public-privé dans l´UE présentent de multiples insuffisances et des avantages limités » [2].
Le « choix d’opportunité » avancé par le directeur sonne à nouveau comme un cinglant constat d’échec de la politique menée au cours des dernières décennies.

Sur le prix de ce projet mégalomane, Vrijdaghs affirme que l’état devra débourser 40,2 millions d’euros pendant 25 ans. Il oublie de préciser que cet argent public sera versé à des multinationales controversées dont deux d’entre elles commercent avec la dictature sanglante d’Arabie Saoudite (Denys n.v. et FCC Construcciones), et une troisième est un bureau situé aux Pays-Bas pour, très probablement, organiser l’évasion fiscale des fonds ainsi captés du budget public [3].

L’affirmation de Vrijdaghs sur le coût de ce projet toxique soulève en outre de nombreuses questions. Lui-même indique qu’il est incapable de préciser si ce montant pourrait augmenter au cours des ans, car « ces contrats ce sont de vrais briques ». On reste pantois devant une telle impéritie pour un projet de cette taille.

Contrairement à ce que le directeur affirme, les risques ne sont pas reportés sur le privé, et ils le sont d’autant moins que le ministre de l’intérieur Jan Jambon, a accordé la garantie d’Etat à la Régie des bâtiments pour Cafasso par Arrêté royal du 31 juillet 2017 (M.B., 13 septembre 2013).

A moins de disposer de l’ensemble des données chiffrées, il n’est pas possible de connaître le coût exact projeté de la mégaprison. Mais de toute évidence, le montant avancé par le directeur de la Régie est largement sous-évalué. La mégaprison coûtera plus d’un milliard d’euros.

Haren Observatory demande des réponses précises aux questions suivantes :
-  Que couvrent exactement ces 40,2 millions d’euros annuels ?
-  Les frais de gardiennage sont-ils compris ?
-  Les frais de transport des détenus sont-ils compris, alors qu’ils seront significativement allongés vu l’emplacement du projet ?
-  Les frais de chauffage du « village pénitentiaire » sont-ils compris ?

Haren Observatory rappelle encore qu’une proposition de résolution est pendante à la Chambre, pour demander à la Cour des comptes de réaliser un audit sur le coût réel des PPP et celui de Haren en particulier (DOC 54 1568/001).
Le refus systématiques du gouvernement Michel de prendre cette résolution témoigne du mensonge et de l’opacité dans lesquels ils se sont enfermés.

Haren Observatory déplore les mensonges nombreux et répétés du directeur de la Régie des bâtiments.

Haren Observatory souligne finalement que, à l’exact contraire de ce qu’affirme le directeur dans le quotidien, le Keelbeek n’est pas une « friche industrielle inoccupée ». Le site des anciennes usines Wanson auquel semble se référer M. Vrijdaghs n’ont jamais constitué le Keelbeek qui est bien une zone semi-naturelle et naturelle. L’étude d’incidence du projet précise qu’elle abritait une «  biodiversité exceptionnelle  » que la Régie des bâtiments a totalement détruite. Et 6 hectares du Keelbeek étaient encore cultivés en 2012 quand M. Vrijdaghs et ses acolytes ont exproprié les dernières parcelles pour leur projet funeste.

La vision périmée et mortifère qui sous-tend tout ce projet doit être combattue pour ce qu’elle est : un relent d’un système en décomposition, dont l’objectif est de préserver les privilèges d’une infime minorité au détriment des gens, et de la nature.

La mégaprison n’aura pas lieu.