2018, début de chantier ?


L’incroyable histoire du Keelbeek ou quand l’Etat belge fait fi de la démocratie

C’est parti. Les premiers arbres ont été coupés, le terrain du Keelbeek est à nouveau surveillé et ce alors que l’ensemble des recours lancés par des citoyens ne sont pas encore épuisés.

Cela n’est pas sans rappeler les évènements de septembre 2015 durant lesquels la police dégagea manu militari les occupants du site au moment où été plaidée la cause de celui-ci devant le tribunal qui déclara quelques jours plus tard l’action de la police illégale.

On pourrait être confronté cette fois encore au même cas de figure, l’état n’ayant pas laissé le temps à la justice de trancher. La politique du fait accompli se substituant à la loi du plus fort, cela semble devenir une habitude.

Mais ce ne sont pas là les seules errances d’un gouvernement qui semble se préoccuper davantage de quelques intérêts financiers plutôt que des avis non seulement des Harenois mais aussi d’une grande part du corps de la magistrature, des experts en matière carcérale et même d’une partie de la police.

Ainsi, sur le panneau d’avis de début des travaux figure le nom de Cafasso, un consortium dont les statuts n’ont toujours pas été rendus publics.

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Un marché public a donc déjà été octroyé à une personne juridique inconnue.

Mais cela ne s’arrête pas là, le contrat lui non plus et malgré les nombreuses requêtes de certains parlementaires est non publié.

Le gouvernement s’engage donc dans des travaux dont personne ne peut déterminer le montant et ce malgré les mises en garde de la Cour des Comptes.

Ce que l’on sait par contre, c’est que ces travaux seront menés sous un montage appelé partenariat public privé (PPP) qui permet au consortium d’engranger les bénéfices de la « location » de la prison à l’état laissant à ce dernier une grande partie des risques. Une nouvelle socialisation des pertes et privatisations des profits mais cela devient habituel.

Ces contrats ont montré leur nuisance. Leur coût est bien souvent trois fois supérieur à celui d’un investissement direct réalisé par une entité publique. En ces périodes de restrictions budgétaires, on aurait pu espérer que l’état gère en bon père de famille. Ce ne sera pas le cas.

De nombreuses personnalités politiques dans d’autres pays européens ont pourtant déjà à ce propos tiré la sonnette d’alarme ainsi que la Cour des Comptes de notre pays qui met en garde contre l’utilisation de ce mécanisme. Mais de ces avis autorisés l’état belge à nouveau ne tient pas compte.

Pire le gouvernement a été jusqu’à interdire un audit de cette technique de financement.

Au sein de ce consortium, outre la société de construction basée à Gand : Denys, se profilent des groupes financiers puissants comme la BNP Paribas Fortis et l’australien Macquarie Group spécialisé en financement d’infrastructures.

Leur modèle économique est bien rodé et inspiré de ce qui se passe depuis des décennies aux Etats Unis. Ils s’assurent d’obtenir une garantie de payement pour l’ensemble des cellules qu’elles soient occupées ou non, poussant ainsi à la maximisation de la taille de la prison. Alors que tous les experts en matière carcérale s’accordent à dire que la taille optimale d’une prison est de 300-400 occupants, c’est bien d’une maxi prison dont on parle à Haren qui comprendra 1.190 cellules.

Le but, on l’aura compris, n’est pas de doter la Belgique d’une nouvelle prison, alors que dans le même temps de nombreux états européens ferment certaines d’entre elles comme aux Pays Bas ou en Suède, ni même de renouveler le parc de celles-ci, la prison de Saint Gilles pouvant être rénovée à bien moindre coût mais d’offrir un cadeau à des intérêts financiers avec, comme on peut l’imaginer, si l’on se réfère aux trop nombreuses affaires Publifin, Orès, le Samu social,…, Gial quelques retours sur compromission pour certaines personnalités politiques.

On plaide depuis longtemps pour que ce projet, qui en dernière analyse ne peut être compris que comme un projet financier, soit reconsidéré.

Outre les recours pendants devant les autorités belges, elle se verra contrainte de s’adresser à des instances européennes afin de mettre en avant le déni de démocratie d’un état qui se prévaut d’être légitime.

Signataires :
Elisabeth Grimmer, Isabelle Hochart, Jean Baptiste Godinot, Laurent Moulin, Bibiane Bolle, Daphnis Bockstael, Jérôme Pelenc, Valentine Julien, Ana Navarro, Aya Tanaka, Guilmain Stéphanie, Karin Stevens, François Licoppe, Fabienne Vandereyken, Julie Papazoglou, Isabelle Finn, Dominique Gihousse, Anita Lamote, Claude Dubois

L’observatoire international des Prisons - section belge
La Ligue des Droits de l’Homme
Respire asbl
Solid Haren asbl