Prisons en partenariat-public-privé : La mégaprison de Bruxelles est officiellement un projet ruineux !

15 décembre 2017
Communiqué de presse HarenObservatory.net

La Cour des comptes française demande de bannir les prisons PPP.
Charles Michel veut les multiplier et refuse deux audits de la Cour des comptes belge.


Ce 13 décembre 2017, la Cour des comptes française a remis un rapport accablant sur les Partenariats-Publics-Privés (PPP) dans la politique immobilière de la Justice. Les PPPs carcéraux sont principalement visés. Cette analyse vient appuyer les critiques sur la gestion calamiteuse du projet de mégaprison de Bruxelles/Haren, déjà présentés dans le document « genèse d’un crime » [1].

Tout y passe : les hypothèses initiales favorisant les PPP sont peu réalistes, le manque de transparence sur les coûts, l’absence de données chiffrées, la fausse complexité des projets qui sont dus à la technicité obscure des contrats PPP et pas aux projets de construction eux-mêmes, les surcoûts exorbitants lors des modifications de contrats ou travaux intercurrents, etc. Au final, les PPPs s’avèrent être plus chers et moins efficaces que les marchés classiques.

Du point de vue budgétaire, l’Etat a choisi des entreprises qui empruntaient à 6% des projets qu’il pouvait lui-même financer à 1,31% [2].

L’effet cumulé des différents contrats fait boule de neige, au point que : «  Le ministère de la justice se trouve confronté à une équation budgétaire redoutable en matière immobilière en raison des défaillances de la programmation, de besoins à venir considérables et du risque d’impasse budgétaire.  » [3]

C’est précisément ce que les opposants à la mégaprison de Bruxelles à Haren dénoncent depuis 7 ans, en se basant sur les rapports de la Cour des comptes belge. Le choix du financement PPP de ce qui se voulait être la plus grande prison du pays était injustifiable.

Dans son rapport du 21 décembre 2011, la Cour y relevait :
• l’absence d’études préalables suffisantes concernant la décision de principe du gouvernement de choisir la formule du Partenariat Public-Privé (PPP), en particulier l’absence du test de la plus-value de ce choix par rapport à un financement classique,
• et la difficulté d’évaluer les coûts liés à la future prison de Haren.
En 2015, dans ses commentaires relatifs au budget fédéral 2015, la même Cour des comptes de notre pays tirait à nouveau le signal d’alarme : « les crédits prévus pour payer les redevances DBFM (Design, Build, Finance and Maintain) des prisons de Marche, Beveren et Leuze et la redevance du CPL de Gand ne seront sans doute pas suffisants alors que ces établissements sont en sous-capacité, à l’heure actuelle”, “le coût réel de la prison de Haren reste inconnu, alors que les étapes déjà réalisées des Masterplans semblent ne pas pouvoir être financées entièrement  ».

La Cour des comptes belge n’avait ni le recul ni les informations pour évaluer l’impact de ces PPPs sur l’usage correct des deniers publics. Elle tirait la sonnette d’alarme. La Cour des comptes française, observant l’expérience outre-Quiévrain, tire un bilan clair, net, précis : il faut bannir les PPP carcéraux.

En Belgique, l’opposition à la Chambre a déposé le 11 janvier 2016 une proposition de résolution demandant de confier à la Cour des comptes la réalisation de deux audits pour faire la clarté sur les PPPs carcéraux. Il s’agit du document 54K1568 [4]
, qui est toujours pendant. A ce jour, le MR et la NVA ont refusé toute avancée sur ce sujet pourtant essentiel pour la Justice.

Vous avez dit, « goed bestuur », « bonne gestion », « transparence » ?

L’impasse budgétaire, sécuritaire, sociale et environnementale que constitue le projet de mégaprison peut toujours être évitée. Le rapport de la Cour des comptes française sur l’impact catastrophique des PPP carcéraux sur le budget de la Justice constitue un nouveau signal, qui ne peut pas être négligé.
Quelle est la situation en Belgique ? Quelle part les annuités de remboursements des contrats PPP vont-elles constituer dans le budget de la Justice déjà excessivement rachitique ?

Le gouvernement Michel prévoit 8 nouveaux projets carcéraux en PPP, ce qui rend encore plus pressante la nécessité des audits demandés dans la proposition de résolution 54K1568.

Tout retard dans la réalisation de cette analyse, qui devrait être confiée à la Cour des comptes, pèsera sans nul doute sur la responsabilité des membres des gouvernements qui auraient décidé d’engager l’Etat dans des contrats complètement déséquilibrés. Faut-il que l’intérêt financier des multinationales aux pratiques douteuses Macquaries, Denys et PPP Infrastructure Investment, principales bénéficiaires du projet de PPP de la mégaprison de Bruxelles-Haren, passe avant l’intérêt public, celui de l’Etat comme des citoyens ?

Le gouvernement Michel doit se prononcer, les preuves évidentes et factuelles des lacunes et problèmes rédhibitoires posés par les PPPs carcéraux étant désormais documentées.

Contacts :
Jean Baptiste Godinot – 0488 200 175
Laurent Moulin – 0499 030 901

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Demandes établies dans la proposition de résolution 54K1568, déposée à la Chambre le 16 janvier 2016 :

A1. de réaliser un audit relatif, d’une part, à la pertinence du choix de la construction et de l’exploitation d’infrastructures pénitentiaires via un Partenariat Public-Privé, pour les établissements pénitentiaires de Termonde (pas encore construit), Beveren, Marcheen-Famenne, Leuze-en-Hainaut et Haren (pas encore construit) ou tout autre lieu et, d’autre part, à l’évaluation de la soutenabilité budgétaire de chaque projet de contrat de partenariat ;

A2. de réaliser un audit relatif à l’ensemble des coûts réellement imputables aux différentes parties du budget de l’État et, le cas échéant, aux budgets des entités fédérées pour ces différents établissements pénitentiaires (qu’il s’agisse des coûts réels déjà observés, des coûts réels prévisibles, compte tenu des contrats conclus ou des coûts réels prévisibles, compte tenu de l’état des négociations en cours en ce qui concerne les contrats qui n’ont pas encore été conclus) et d’inclure, entre autres, dans ces coûts ceux qui se rapportent au prix d’acquisition des terrains, à la construction, à l’entretien, à l’exploitation et au fonctionnement, et ce pour toute la durée des contrats ;

A3. d’indiquer et d’apprécier les critères et les modalités de désignation des partenaires privés ;

A4. de publier ces rapports d’audit au cours du premier semestre 2016, qui seront ensuite débattus à la Chambre des représentants ; ce débat parlementaire étant indispensable à l’exercice des missions constitutionnelles de la Chambre des représentants et notamment de ses devoirs de contrôle des budgets et des comptes de l’État.