Lettre ouverte au bourgmestre de la ville de Bruxelles


Bruxelles, le 3 septembre 2018

Objet : Vos responsabilités dans l’évacuation des opposants au projet de mégaprison de Bruxelles/Haren

Monsieur le Bourgmestre,

Le 20 août 2018 vers 6h30, la police de la zone Bruxelles-Ixelles a procédé à l’évacuation des opposants au projet de mégaprison de Bruxelles/Haren. Les médias ont largement relayé les images des incendies qui ont détruit les habitations construites par les opposants à ce projet largement contesté, mais aussi des biens personnels des personnes concernées.

Cette évacuation soulève de nombreuses interrogations et votre responsabilité nous semble mise en cause. Nous vous adressons ci-dessous 13 questions auxquelles il nous semble nécessaire que vous répondiez de sorte que les citoyens disposent de toutes les informations nécessaires pour se forger une opinion sur cette opération dont vous avez la responsabilité.

1. Vos services de police ont procédé à l’évacuation le matin même où le recours en tierce opposition contre l’ordre d’expulsion émanant de la Régie des bâtiments, était contesté devant le juge du tribunal de première instance de Bruxelles. L’audience a eu lieu à 9 heures ce même 20 aout 2018. Il est choquant que l’évacuation ait été opérée avant que la justice se prononce sur sa légalité, laquelle était contestée devant le tribunal. Etiez-vous au courant de la tenue de cette audience, le matin même où vos forces de police ont exécuté un ordre contesté en justice ?
2. Le journal Le Soir indique qu’un huissier était sur place, chargé de faire exécuter l’ordre d’expulsion de la Régie des bâtiments, laquelle est sous la tutelle du ministre fédéral de l’intérieur Jan Jambon. Confirmez-vous la présence d’un huissier mandaté par la Régie des bâtiments ?
3. Au moment de l’évacuation, la Régie des bâtiments était représentée par un avocat au tribunal de première instance lors de l’audience où était examiné le recours des opposants. Il est donc impossible que la Régie des bâtiments n’ait pas été au courant que l’opération de police qu’elle ordonnait par l’intermédiaire d’un huissier, devait avoir lieu en même temps que l’ordre était contesté en justice. Avez-vous une autre analyse ?
4. Si tel est bien le cas, la Régie des bâtiments qui répond au Ministre de l’intérieur vous aurait mis, en tant que chef de la zone de police Bruxelles-Ixelles, dans la position d’engager votre responsabilité personnelle en court-circuitant le fonctionnement de la Justice. Qu’en pensez-vous ?
5. Si ces faits sont exacts, quelles suites donnerez-vous à ces problèmes manifestes ?
6. Ni la police, ni l’huissier, ni d’autres personnes mandatées par lui ne disposent a priori du droit d’incendier des biens privés qui ne représentent aucune menace, qui plus est à l’air libre. Qui a incendié les constructions et bien personnels des opposants à la mégaprison ?
7. Avec quelles autorisations ?
8. Si votre police n’a pas elle-même bouté le feu, pour quelle raison et avec quelle autorisation a-t-elle laissé des personnes incendier ces biens, à l’air libre ?
9. Quelles suites donnerez-vous à ces actes ?
10. Les riverains rendus sur place ont pu constater que les pompiers - appelés par d’autres riverains alertés par les importants dégagements de fumée - n’avaient pas été mis au courant de cette mise à feu. Il est impossible que ces incendies aient été décidés sur place puisque de l’essence ou un autre carburant a été utilisé pour l’allumage. Ils avaient donc étés planifiés. Aviez-vous été informé que les pompiers n’étaient pas au courant de ces mises à feu, à l’air libre ?
11. Pourquoi vos services de police ont-ils empêché aux pompiers d’avoir accès au terrain, d’abord en leur bloquant tout accès, puis en n’autorisant qu’un accès partiel à deux d’entre eux ?
12. Quelles suites donnerez-vous à ce problème évident ?
13. Cette opération est la deuxième du genre. Une première évacuation des opposants avait eu lieu sur le Keelbeek le 21 septembre 2015, avec incendie des abris et biens privés, au moment où les militants défendaient leur recours devant le juge. L’évacuation avait été jugée illégale par le juge de première instance. Comment expliquez-vous que les mêmes erreurs et les mêmes illégalités aient pu être reproduites de manière presque identique, au même endroit ?

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions Monsieur le bourgmestre, d’agréer l’expression de nos salutations distinguées.

Pour Haren Observatory :
Laurent Moulin, Jean-Baptiste Godinot