Lettre aux trois bourgmestres principalement concernés par la maxi-prison de Bruxelles

Charles Piqué, Stéphane Roberti, et Philippe Close. Nous attendons leurs réponses.

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Cher Bourgmestre,

Nous vous écrivons en tant qu’une partie du collectif, celui, large et multiforme, qui lutte contre la maxi-prison de Haren.

Le temps passe, des échéances approchent, et les mobilisations se multiplient. Elles font parler d’elles-mêmes et surtout de ce projet de mégaprison tant critiqué, parce que tellement toxique.


Une marche est organisée ce samedi 23 mars pour dénoncer la logique qui sous-tend ce projet indigne. Des centaines de personnes sont attendues.
Un festival contre la politique carcérale actuelle a lieu ce week-end du 22 au 24 mars, 500 personnes ont déjà confirmé leur participation.
La date de l’audience de prise en considération des recours en annulation des permis d’urbanisme et d’environnement est fixée par le Conseil d’Etat au 26 mars à 9h30. La première auditrice s’est déjà prononcée : elle nous donne raison et demande l’annulation des deux autorisations. Nous serons nombreux à suivre l’audience ce 26.

Cette bataille pour le Keelbeek libre a commencé il y a maintenant une dizaine d’années. Diverses positions ont été prises par de nombreux acteurs tout au long de ces années. Certaines se sont avérées fécondes et ont débouché sur des succès indéniables. Ainsi la fermeture des ailes les plus vétustes de la prison de Forest, pendant la grève des gardiens et alors que le lobbying contre la mégaprison était le plus intense. Ainsi la réalisation d’un premier audit, partiel, de la Cour des comptes sur les surcoûts de la sous traitance dans le cadre des PPP carcéraux : sur ces éléments périphériques de ce type de contrats, le bilan de la Cour est déjà sombre. Que pourrait-il en être pour ces contrats eux-mêmes ? C’est notamment ce que nous avons demandé à l’opposition fédérale de demander, par le dépot d’une proposition de résolution à la chambre, qui a été signée par tous les partis d’opposition, dont le vôtre. Cette proposition de résolution est toujours pendante, parce que repoussée par le premier ministre. Bien d’autres positions ont été prises, comme l’appel des 200 pour sortir du désastre carcéral.

Dans la continuité de ces positions constructives, nous avons l’honneur de vous solliciter de manière renouvelée dans ce dossier complexe. En tant que bourgmestre d’une commune directement concernée par ce mégaprojet - soit qu’il devrait être installé sur le territoire dont vous avez la charge, soit qu’il devrait libérer une prison actuelle de la sécurité de laquelle vous êtes responsable en dernier ressort - votre voix est potentiellement particulièrement forte, comme le choix de l’ancien bourgmestre de Forest sur les ailes les plus vétustes de la prison de cette commune l’a indiqué.

C’est pourquoi nous espérons et vous demandons de prendre une position claire et publique sur le projet de mégaprison et celles de Bruxelles.

Il est question avec le projet de Haren de plusieurs thématiques : la crise du climat, le désastre carcéral, la privatisation de la justice ainsi que l’effacement démocratique, entre autres.

Aussi, nous souhaitons vous poser les questions suivantes : allez-vous prendre position contre ce projet ? Que comptez vous mettre en oeuvre, à votre échelle, pour que la maxi-prison de Haren ne soit pas construite ?

Associations, riverains et citoyens opposés à ce projet de mégaprison soulignent sans jamais obtenir de réponse satisfaisante que ce projet déshumaniserait plus encore les conditions de détention, exclurait davantage les détenus et leurs familles en les éloignant du centre ville, plomberait le budget de la justice en l’amputant d’annuités à verser directement à des multinationales controversées via un mécanisme d’ingéniérie fiscale. Et que dire du climat, des terres arables bruxellois, des espaces naturels sacrifiés, de la qualité de l’air et de la biodiversité ? Ce projet de mégaprison est l’antithèse de tout ce qu’il faut faire en matière d’écologie et de solidarité.

Une prise de position en faveur du maintien des prison bruxelloises actuelles sur leur lieu, et en prévoyant leur rénovation indispensable, constituerait un acte fort et remarquable. De toute évidence, il ne pourrait avoir valeur contraignante, et pourtant il indiquerait, enfin, que la voie de la raison peut être celle choisie. Oui, il est possible de maintenir les prisons là où elles sont en les rénovant - ce que le gouvernement s’apprête à démontrer une nouvelle fois en vidant partiellement la prison de saint-gilles suite à la condamnation du tribunal de première instance de Bruxelles et pour éviter de devoir payer des astreintes faramineuses et pourtant justifiées. Oui il est possible de mettre un terme au délire du projet de mégaprison. Oui cela coûte moins cher économiquement, démocratiquement et écologiquement. Et oui, il est possible de réduire la population carcérale, en modifiant le code pénal comme l’ont fait déjà de nombreux pays avec succès, comme l’avait promis le gouvernement Michel et comme il est indispensable de le faire.

Cher Bourgmestre, nous avons l’honneur de vous demander de prendre position en faveur du maintien des prisons bruxelloises là où elles sont pour éviter le désastre de la mégaprison. Nous nous tenons à votre disposition pour revenir à ces sujets de vive voix.

Dans l’attente de vous lire prochainement,
Meilleures salutations

Haren Observatory
Zad de Haren - No prison